Projet ANR Estuer
L'Estuaire de la Loire comme espace énergétique (1945-présent). Regards croisés en sciences humaines et sociales
Participant.e.s et affiliations institutionnelles
Jean-Baptiste Bahers (CNRS, Espaces et SOciétés, ESO UMR 6590)
Fabienne Pavis (Centre nantais de sociologie, CENS)
Jean-Baptiste Comby (Université Paris 2, associé au Centre nantais de sociologie, CENS)
Hugo Doux (Centre François Viète : CFV)
Annabelle Duval (ESO Nantes)
Aurélien Evrard (Droit et Changement Social, DCS UMR 6297)
Adèle Huguet (CFV)
Gaëtan Levillain (CFV)
Anaël Marrec (CFV)
Anna Mesclon (CENS)
Eve Meuret-Campfort (CENS)
Séverine Misset (CENS)
Pierre Teissier (CFV)
Partenaire : Centre d'histoire du travail (Nantes)
Financement de l'Agence nationale de la recherche (ANR)
Durée : 2023-2027
Responsables scientifiques : Centre F. Viète (Pierre Teissier), Centre nantais de sociologie (Séverine Misset), ESO Nantes (Jean-Baptiste Bahers), Droit et changement social (Aurélien Évrard)
Descriptif du thème de recherche
Le collectif interdisciplinaire ESTUER examine l’estuaire de la Loire comme « un espace énergétique » où les enjeux matériels liés à l’énergie s’articulent intimement avec les enjeux sociaux et politiques du territoire. Un estuaire est un lieu singulier par l’articulation d’interfaces mouvantes entre terres, mers, fleuves et rivages. Celui de la Loire, entre Nantes et Saint-Nazaire, est unique en France par l’imbrication de terres agricoles, commerciales et industrielles et de zones d’habitation, de tourisme et de nature. Au XXe siècle, la croissance énergétique française a reposé sur sa mise au travail comme vecteur de transport de combustibles et source de refroidissement industriel, au point d’en faire un espace structurant des infrastructures énergétiques continentales. Par la notion d’espace énergétique, nous le considérons comme un nœud traversé par des flux multiples de matière et d’énergie (charbon, gaz, pétrole, électricité mais aussi marée, soleil et vent), un lieu de projection d’infrastructures énergétiques (réseaux, centrales, ports, etc.) et un territoire contrasté dont les ressorts politiques sont multiples, des mobilisations environnementales locales à l’Union européenne en passant par la métropole nantaise, la région Pays de la Loire et l’État français.
Notre hypothèse est qu’il existe un lien fort entre les histoires matérielle, politique et sociale des espaces énergétiques. Notre ambition est d’éclairer cette articulation dans l’estuaire de la Loire depuis l'après-guerre par une démarche interdisciplinaire d’analyse des flux ou « métabolismes » territoriaux, d’histoire des techniques et des infrastructures et de socio-histoire des territoires. Nos points d'entrée sont les sites de production d'énergie, qui constituent à la fois des noeuds infrastructurels, des espaces de transformations environnementales et des lieux de tension sociale, qu'il s'agisse de fermer une usine ou d'en ouvrir une autre. Suivre leur développement historique permet de saisir au ras du sol les transformations d’un territoire qui s’est spécialisé dans la production d’énergie, en examinant le rapport qu’y nouent travailleurs et habitants.
Axes de recherche
Trois axes structurent notre recherche interdisciplinaire : technopolitiques de l’énergie, sociopolitique des mobilisations environnementales, analyse du métabolisme territorial.
L’axe 1 examine les infrastructures énergétique à travers les politiques d'aménagement et les transformations écosystémiques de l'estuaire (hydromorphologie, sédimentation, chimie, biologie). Il considère les techniques de l'énergie comme des entreprises politiques qui façonnent les territoires selon des intérêts et des imaginaires propres aux groupes impliqués, qu’ils soient agents publics, riverains, associatifs, ou sociétés privées. L’aménagement est saisi comme le résultat de stratégies d’appropriation des espaces physiques, discursifs et mentaux, aux prises avec un environnement mouvant, fragile et habité.
L’axe 2 s’intéresse aux groupes mobilisés contre les projets d’aménagement énergétiques depuis 70 ans dans une démarche de sociohistoire. Quelles sont les évolutions de ces collectifs face aux changements de politiques locales ou nationales, dans un contexte d’affirmation de la cause écologique et alors que les générations de militants se renouvellent ? Comment le changement de nature du projet, du nucléaire aux énergies dites « renouvelables », modifie-t-il le profil des militants et la mise en cause de la mobilisation ? Dans une tradition ancienne de luttes dans la région, nous examinons les liens entre ces groupes mobilisés, les mobilisations des « années 1968 » et celles des paysans ; nous les comparons aux résultats de l’ANR « Sombrero ». L’axe 2 examine ainsi des trajectoires individuelles et collectives, analyse les motivations de l’engagement et ses moyens d’action
L’axe 3 examine l'articulation du métabolisme territorial et des conflits et luttes qui s'y jouent. Force est de constater que le métabolisme territorial, c’est-à-dire le fonctionnement matériel et énergétique du territoire, s'explique par des processus d'économie politique et des relations entre acteurs à des échelles géographiques variées. Nous faisons l’hypothèse à la suite de Joan Martinez-Alier que les transformations des conflits socio-environnementaux répondent à des bifurcations du métabolisme territorial. Notre objectif est d'interroger ces liens, en combinant les approches méthodologiques de l'analyse spatialisée des flux de matière et d'énergie à une analyse techno-politique des aménagements énergétiques (axe 1) et à une analyse socio-politique des luttes territoriales (axe 2). En quoi l'évolution des régimes d’extraction, de consommation, de production traduit des mobilisations et des imaginaires différenciés ainsi que des évolutions de rapports de force entre aménageurs et contestataires ?
Terrains d'études
Notre premier point d'entrée est le site du Carnet (1981-2019) sur la commune de Frossay car cet espace à fort enjeu politique et médiatique couple, depuis 40 ans, des mutations infrastructurelles, des politiques d’innovation et des mobilisations sociales autour de l’énergie. Le Carnet a fait l’objet de deux projets d’aménagement : une centrale nucléaire par Électricité de France (1981-1997) et un parc écotechnologique par le Port autonome de Nantes Saint-Nazaire depuis 2019. Ces deux projets ont été contestés par des collectifs de riverains, paysans, étudiants, écologistes, citoyens, et ont finalement été abandonnés. L'enjeu est de suivre les groupes sociaux et leurs revendications sur plus de quarante ans, d'examiner les transformations environnementales du site, et de comprendre comment les enjeux énergétiques et environnementaux se sont transformés au point de faire des alternatives d'hier des impasse aujourd'hui.
Notre second point d'entrée est la centrale électrique de Cheviré (1953-1986), à l'extrémité Ouest de l'agglomération nantaise. L'usine succède à celle de Chantenay, selon une logique d'éloignement de Nantes et de montée en puissance. Or, chaque nouvelle centrale, toujours plus puissante, provoque des aménagements source de conflits socio-environnementaux, mais aussi la fermeture des autres centrales à plus ou moins long terme. Les travailleurs sont alors contraints de s’employer ailleurs. Nous nous demandons comment, dans ce contexte, ils ont perçu les autres aménagements existants (Cordemais) ou en projet (centrale nucléaire du Carnet), ainsi que les enjeux environnementaux qui y étaient associés.
L'examen de la centrale de Cordemais (1970 - ajourd'hui) permet de prolonger l'étude territorialisée du réseau électrique estuarien jusqu'à aujourd'hui. Alors que son ouverture a engendré l'arrêt de la centrale de Cheviré, elle est soumise à des enjeux similaires de fermeture à l'heure actuelle. Elle sera donc examinée en relation synchronique et en comparaison diachronique avec la centrale de Cheviré.
Notre second point d'entrée est la centrale électrique de Cheviré (1953-1986), à l'extrémité Ouest de l'agglomération nantaise. L'usine succède à celle de Chantenay, selon une logique d'éloignement de Nantes et de montée en puissance. Or, chaque nouvelle centrale, toujours plus puissante, provoque des aménagements source de conflits socio-environnementaux, mais aussi la fermeture des autres centrales à plus ou moins long terme. Les travailleurs sont alors contraints de s’employer ailleurs. Nous nous demandons comment, dans ce contexte, ils ont perçu les autres aménagements existants (Cordemais) ou en projet (centrale nucléaire du Carnet), ainsi que les enjeux environnementaux qui y étaient associés.
L'examen de la centrale de Cordemais (1970 - ajourd'hui) permet de prolonger l'étude territorialisée du réseau électrique estuarien jusqu'à aujourd'hui. Alors que son ouverture a engendré l'arrêt de la centrale de Cheviré, elle est soumise à des enjeux similaires de fermeture à l'heure actuelle. Elle sera donc examinée en relation synchronique et en comparaison diachronique avec la centrale de Cheviré.
Contrats de recherche et stages
01-09-2024 - 30/08/2025 : contrat post-doctoral, CENS.
Anna Mesclon.
Thème : socio-histoire des mobilisations sociales autour de l'énergie dans l'estuaire de la Loire.
01-09-2024 - 30/08/2025 : contrat post-doctoral, ESO Nantes
Gaëtan Levillain
Thème : le métabolisme de l'estuaire de la Loire (1945-2000)
01-10-2023 - 30-09-2025 : contrat post-doctoral, Centre F. Viète.
Anaël Marrec.
Thème : l'aménagement énergétique de l'estuaire de la Loire, 1945-2000.
01-02-2024 - 31-07-2024 : stage de recherche Master 2 Sociologie Politique et action publique territoriale, CENS.
Maud Fleuret.
Sujet : alternatives énergétiques dans l'estuaire de la Loire.
Anciens contrats
01-02-2024 - 31-07-2024 : stage de recherche Master 2 HST, Centre F. Viète.
Hugo Doux.
Sujet : histoire des pollutions des sols à l'époque contemporaine dans l'estuaire de la Loire.
01-02-2024 - 31-07-2024 : stage de recherche Master 2 HST, Centre F. Viète.
Fabien Mahé
Sujet : Histoire des voitures électriques à l'époque contemporaine.
20-09-2021 - 19-11-2021 : contrat post-doctoral, Centre F. Viète.
Anaël Marrec.
Thème : la centrale nucléaire du Carnet. Histoire d'un projet contesté (1981-1997)
Financement : bourse "Maturation" de la Maison des sciences de l'homme de Nantes.
Événements à venir
12-06-2024 : Journée d'études Ribines. Cheminements pour une histoire environnementale des pays de l'Ouest, Maison des sciences de l'homme en Bretagne/Archives départementales d'Ille et vilaine
Co-organisation : Renaud Bécot, Nathan Brenu, Clémence Gadenne-Rosfelder, Anaël Marrec, avec le soutien des ANR Estuer, AmiEtat, et d'AAU-CRENAU
Thématiques : cette journée d'étude regroupe des recherches en cours sur les sciences sociales et l'environnement dans les pays de l'Ouest. En croisant des travaux universitaires ou non, et en ouvrant cette journée aux échanges extra-académiques, cette journée invite à repenser les conditions dans lesquelles ont été façonnées des décisions dont les effets ont impliqué des transformations parfois lourdes de nos écosystèmes et de nos sociétés.
Programme définitif :
/ 1
Argumentaire :
/ 1
19-06-2024 : Participation au Colloque "La Sueur et la poussière", RUCHE, Université Toulouse-Jean Jaurès, Toulouse.
Anaël Marrec et Séverine Misset.
Titre de l'intervention : "Les ouvriers de Cheviré face aux transformations de l’estuaire de la Loire. Conflits socio-environnementaux et stratégies d’alliance (1954-1986)"
30-05-2024 : Journée d'études "Green Business", Mucem, Marseille.
Avec Fabien Bartolotti, Rémi Grisal (Telemme), Anaël Marrec (Centre F. Viète/Estuer), en partenariat avec le Mucem et le projet ANR Estuer.
Thématiques : Cette journée d’études entend cerner les contours de l’écologisation des pratiques productives, en analysant la façon dont les entreprises ont pu se saisir des enjeux environnementaux pour les transformer en opportunités économiques.
Programme définitif :
/ 1
Événements passés
26-04-2024 : Colloque "écologisation de la vie politique" (A. Vrignon), Université d'Orléans.
Anaël Marrec.
Titre intervention : "Le PS et la centrale nucléaire de l’estuaire de la Loire : une histoire mouvementée (1974-1997)"
09-04-2024, Conférence Quelles sciences pour une transition écologique?, Nantes Université, UFR Sciences et techniques
Pierre Teissier
Titre : "Les transitions énergétiques, entre savoirs et pouvoirs, XIXe-XXIe siècles"
22-03-2024 : Journée d'études "Histoire de l'énergie, histoire des ports"
9h-9h30 -- Hugo Doux, Master Épistémologie, histoire des sciences et des techniques/projet ANR Estuer
Titre intervention : "Une histoire de la pollution des sols : le cas de la Loire-Inférieure au XIXe siècle"
9h30-10h -- Fabien Mahé, Master Épistémologie, histoire des sciences et des techniques/projet ANR Estuer
Titre intervention : "Le véhicule électrique comme artefact socio-technique. Comparaison de trois moments clés : 1900s, 1970s, 2020s."
10h-11h15 -- Santiago Preto, IDEHESI CONICET & Faculté des humanités et des arts de l'université nationale de Rosario (Argentine)
Titre de la conférence invitée : "Histoire du port de La Plata (Argentine) : charbon, pétrole et système technique (1890-1955)"
11h30-12h30 -- Anaël Marrec, Severine Misset, Jean-Baptiste Bahers, Pierre Teissier / projet ANR Estuer
Titre intervention : "Discussion autour de l'histoire des centrales électriques de Cheviré et de Cordemais (1953-1997)
29-02-2024, Table-ronde "À l'Ouest, les pouvoirs publics et l'environnement en Bretagne" (N. Brenu), École nationale d'architecture de Nantes, Nantes
Anaël Marrec.
Titre : "L'aménagement électrique de l'estuaire, de Cheviré aux centrales nucléaires (1945-2000)"
Avec Renaud Bécot, Clémence Gadenne-Rosfelder, Nathan Brenu.
20-02-2024, Exposition Power Up (F. Lopez, G. Gourbe), Grand Café, Saint-Nazaire
Anaël Marrec.
Titre : "Futurs énergétiques de l'estuaire, 1945-2000"
03-07-2023, Journée d'études "Espaces énergétiques", Centre F. Viète, Nantes
Invité : Fabien Bartolotti. Titre : "Le Delta du Rhône. Espace énergétique".
Intervention : Anaël Marrec. Titre : "La centrale nucléaire de l’estuaire de la Loire. Histoires aquatiques d’un projet échoué"
03/03/2024, Séminaire Elit, "Expériences d'interdisciplinarité" (Stéphane Tirard), MSH, Nantes
Anaël Marrec.
Titre : "Transitions énergétiques, pluri et inter-disciplinarité. Le projet Estuer"
20-06-2022, Colloque "Nuclear-Water Nexus" (Per Högselius, Siegfried Evans), KTH Institute of Technology, Stokholm
Anaël Marrec.
Titre : "Le Carnet Power Plant. Water Histories of a Failed Project"
Publications associées
Bahers J.-B., Tanguy A., Pincetl S., « Metabolic relationships between cities and hinterland: a political-industrial ecology of energy metabolism of Saint-Nazaire metropolitan and port area (France) », Ecological Economics, n°167, 2020, p. 106447.
Claire S. & Marrec A. (eds.), Mémoire et énergie, n°42, Socio-anthropologie, 2020.
Comby J.-B., La question climatique. Genèses et dépolitisation d’un problème public, Raisons d’agir, 2015.
Évrard A. & Pasquier R., « Territorialiser la politique de l’éolien maritime en France : entre injonctions étatiques et logiques d’appropriation », Gouvernement et action publique, vol. 7, n°4, 2018, p. 63-91.
Marrec, A. « La centrale nucléaire du Carnet. Un projet contesté des années Mitterrand (1981-1997) », 20&21, Revue d'histoire, 03/2023, p. 63-77. URL : https://www.cairn.info/revue-vingt-et-vingt-et-un-revue-d-histoire-2023-3-page-61.htm
Meuret-Campfort E. & Misset S., « Une cause d’hier et d’aujourd'hui : la lutte contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes », in A. Collovald (dir.), Quand le moment fait événement. Entre contestations et déceptions : les « années 68 » à Nantes, éd. du Croquant (à paraître).
Mis à jour le 02 septembre 2024.